
Le patrimoine culturel : une histoire de liens
La coopération scientifique franco-saoudien en action, pour la diffusion des savoirs à AlUla (Arabie Saoudite)
Le programme Jaussen & Savignac, issu d’un accord de coopération scientifique franco-saoudien entre l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et la Royal Commission for AlUla comporte un volet de recherche mais aussi de diffusion des savoirs et de formation.
C'est dans ce cadre, que du 19 au 24 mai 2025, François Giligny (Professeur), Cyrille Galinand archéologue, de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Salomé Sepeau, médiatrice culturelle et photographe ont animé des ateliers autour du patrimoine archéologique et de sa transmission pour la population locale d’AlUla (Arabie Saoudite).
Public pour une part averti, ces professionnels du tourisme, professeurs des écoles de primaire et de collège et habitants d’AlUla sont déjà sensibilisés à la valeur de leur patrimoine local : alors pourquoi proposer de tels ateliers ?
Une histoire locale devenue patrimoine mondial de l’UNESCO
Il est certain que l’histoire d’AlUla, où s’entremêlent vestiges archéologiques, récits, légendes et histoires de familles, forgés au fil des années et des générations, fait partie intégrante de la vie des participants : ce patrimoine plurimillénaire était même, jadis, le terrain de jeux de nombre d’entre d’eux, lorsqu’ils étaient enfants, ou celui de leurs parents, leurs grands-parents… Ils sont d’ailleurs la dernière génération de la population autochtone à avoir côtoyé ces vestiges inscrits dans un environnement familier vivant, où se déroulaient réunions familiales, amicales, et lieu des promenades du soir ou des jours chômés, etc.
Or, en 2008, le site archéologique d’Hegra (al-Hijr / Madā ͐ in Ṣāliḥ) à AlUla, est le premier lieu d’Arabie Saoudite à être inscrit sur la liste du patrimoine mondial à l’UNESCO pour son architecture impressionnante de tombes et de monuments d’époque Nabatéenne, creusés dans la pierre.
Dès lors qu’il devient protégé, ce patrimoine s’ouvre au monde entier en même temps que, pour des raisons de conservation, son accès se restreint.
Il faut donc pour les habitants du lieu se réapproprier ces sites prestigieux et renouer le lien avec leur histoire monumentale locale, d’une autre façon.
Et, c’est dans ce cadre que sont intervenus les universitaires français.
Un savoir-faire et une pédagogie multiforme
Munis de cartes, plans, réalisations en 3D d’objets, de jeux de médiations, les enseignants de Paris 1 Panthéon-Sorbonne ont proposé des ateliers suivant trois thématiques :
- Qu’est-ce que l’archéologie ? : de l’avant-fouille à la fouille puis l’analyse post-fouille, comment se déroule le repérage d’un site, sa fouille et comment traite-t-on les découvertes pour qu’elles apportent des informations pertinentes ?
- Comment relier les populations à l’archéologie et aux sites archéologiques ? Que nous apprennent les objets trouvés, les vestiges sur la vie quotidienne des temps anciens ?
- Comment enseigner et transmettre la valeur de ce patrimoine ? quelles sont les stratégies de transmission de cet héritage culturel ? Quels peuvent être les outils de médiation accessibles et ne nécessitant pas de budget important ?
Avides de connaissances, les participants ont accueilli avec enthousiasme ces clés de compréhension relatives à leur histoire. Ils se sont également pris au jeu des outils pédagogiques proposés pour transmettre ce patrimoine remarquable. Et grâce aux visites, ils ont, en outre, redécouvert les sites d’Hégra, de Dadan, etc. avec un regard renouvelé et en se réappropriant d’autres récits. Ils ont pu découvrir aussi les coulisses du travail de l’archéologue après le terrain, à travers la visite des réserves, où sont préservés et conservés les objets archéologiques.
Enfin, les outils comme les mallettes de jeux pour la médiation, ou la présentation de la modélisation et d’impression 3D d’objets archéologiques leur ont ouvert d’autres perspectives en termes de transmission pour rendre vivants et proches des objets, d’un lointain passé, tantôt à la taille démesurée ou tantôt invisibles à l’œil nu mais porteurs de sens pour aujourd’hui.
Durant les temps d’échange autour de ces ateliers, François Giligny comme Cyrille Galinand ont été particulièrement frappés par l’attachement très profond des habitants à leur patrimoine et dont ils comprennent l’importance avec plus de profondeur et de précisions, à l’issue de ces quelques jours : quelle fierté pour eux de penser qu’une statue monumentale d’un ancien roi Lihyanite (5e-3e siècle avant J.-C), en provenance de Dadan est prêtée au Louvre pour cinq ans par la Commission royale d’AlUla (RCU). C’est un peu une part d’eux-mêmes qui est donnée à voir dans ce musée exceptionnel.
La générosité, le sens de l’accueil et la joie du partage, n’ont pas fait défaut aux saoudiens d’AlUla puisque certains ont même ouvert les portes de leur petit musée privé recélant des trésors d’art et de traditions populaires que les enseignants ont ainsi eu la chance de découvrir de façon privilégiée.

Une si belle semaine
François Giligny, Cyrille Galinand et Salomé Sepeau ont donc vécu une belle semaine, riche en échanges culturels où ils ont beaucoup donné et aussi beaucoup reçu. Et il faut croire que ces passeurs de mémoire français ont atteint leur objectif de transmission : à l’issue de cette semaine bien dense, sous un soleil de plomb, certains ont pris la décision de se former à la modélisation 3D et plusieurs auditrices se sont même portées volontaires pour les prochains chantiers de fouille !
Alors merci aux habitants d’AlUla et, à l’année prochaine, l’œil affuté et la truelle en main !
► Pour consulter le programme et les photos de cette semaine d'ateliers : rendez-vous sur l'onglet Atelier de formation annuel à AlUla du site internet du Programme Jaussen et Savignac.